Article du Figaro du 17 10 2017
Bernard DECRE et ses recherches sur l'Oiseau Blanc
Deux héros de l'aviation française détrônent Lindbergh À Paris, une plaque rectifie, 90 ans après, la paternité de l'exploit du premier vol transatlantique, au bénéfice de Nungesser et Coli.
ANGÉLIQUE NÉGRONI (le Figaro mardi 17 10 2017 )
Quatre-vingt-dix ans après leur exploit, celui-ci apparaît enfin au grand jour. Changées la semaine dernière et inaugurées ce mardi matin, les nouvelles plaques de la rue Nungesser-et-Coli, dans le XVIe arrondissement de Paris, rendent compte désormais de l'incroyable prouesse de ces deux pilotes français. Sous leurs noms à jamais réunis, ils ne sont plus ces « aviateurs disparus au cours de la traversée de l'Atlantique Nord en 1927 ». Au travers d'un nouveau libellé, leur victoire jaillit. Ils sont dorénavant des héros de l'aviation, qui « ont traversé l'Atlantique les 8 et 9 mai 1927 à bord de l'Oiseau blanc » et qui furent aussi « naufragés devant Saint-Pierre-et-Miquelon ».
Ce changement d'énoncé qui consacre cet exploit, a des répercussions jusqu'aux États-Unis. Car il détrône, du coup, Charles Lindbergh de la première place. Cet Américain qui avait réalisé la traversée de l'Atlantique le 21 mai 1927 en partant de New York a donc été devancé de 12 jours par ces deux Français, véritables pionniers de l'Atlantique.
Cette inauguration en présence de la maire de Paris, Anne Hidalgo, est aussi une victoire pour Bernard Decré. Depuis des années, à travers son association « La recherche de l'Oiseau blanc », ce passionné d'aéronautique se bat avec l'Histoire pour faire surgir la vérité concernant cet épisode glorieux de l'aviation. Alors que celui-ci avait toujours été attribué aux États-Unis, Bernard Decré s'est escrimé à rassembler les preuves pour imposer la France.
Pris pour des trafiquants :
À force de recherches aux quatre coins du monde, dans les archives des services américains et français, il est parvenu à prouver que l'Oiseau blanc avait été canardé par les gardes-côtes américains. En atteignant l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, alors véritable plaque tournante du trafic d'alcool inondant l'Amérique en pleine prohibition, l'aéronef avait été touché par leurs tirs. Ce fut, a priori, une bavure, à laquelle Nungesser a quelque peu contribué. Couvert de médailles et de gloire, cet as des as de la Grande Guerre avait voulu une fois de plus voler en faisant figurer son blason de guerre sur le fuselage de l'appareil, soit deux tibias croisés et un cercueil encadrant une tête de mort... Il n'en fallut pas davantage pour que le biplan aux armoiries de pirate cernées d'un cœur soit pris pour celui de trafiquants. Mais désormais, à la lumière de nouvelles découvertes, Bernard Decré se demande, finalement, si le tir n'avait pas été volontaire... Quoi qu'il en soit, et au lieu d'atterrir devant la statue de la Liberté à New York, l'Oiseau blanc, qui avait décollé du Bourget, a sombré au large de l'archipel. Après des recherches durant plusieurs années en mer, aucun débris de l'appareil n'a jamais été retrouvé.
La capitale française est donc la première à rétablir l'histoire des deux aviateurs, et ce n'est qu'une première étape pour Bernard Decré. Celui-ci compte frapper à la porte de toutes les autres villes françaises pour qu'elles changent à leur tour leur plaque. « Il y a une soixantaine de communes concernées », dit-il, en voulant que la vérité descende dans la rue, toutes les rues.